10/09/2004

Début de dialogue encourageant entre les musulmans de l'UOIF et les juifs du CRIF

Article du 10/09/04
Par Xavier Ternisien
Source : LE MONDE

"Toucher à un juif, c'est contraire aux principes de l'islam", a dit le secrétaire général de la fédération musulmane, Fouad Alaoui. "L'UOIF a fait preuve de maturité", a indiqué Bernard Kanovitch, du CRIF.
Ils sont arrivés en retard, vers 18 h 20, alors qu'une troupe de journalistes les attendaient sur le trottoir de la rue Broca, dans le 5e arrondissement de Paris, face à l'immeuble qui abrite le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF). Un camion de police stationnait à proximité.

Fouad Alaoui, le secrétaire général de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), est descendu d'un taxi, débonnaire et sans cravate, entouré de deux autres représentants de la fédération musulmane.

Aussitôt, une dizaine de nervis de la Ligue de défense juive, qui s'étaient postés en embuscade, se sont mis à vociférer : "Alaoui, facho ! nazi ! Soutien du Hamas, terroriste !"Les jeunes extrémistes ont distribué des tracts accusant les dirigeants du CRIF d'avoir "sciemment accepté de devenir des protégés de l'islam : c'est-à-dire de nouveaux dhimmis", acceptant un statut d'infériorité. Placide, M. Alaoui s'est tourné vers la petite bande en disant : "Continuez, ça ne me dérange pas..." Puis il a franchi le sas vitré qui mène au Centre Rachi, abritant le CRIF.

De l'avis unanime, la rencontre s'est bien déroulée. Pendant une heure et demie, les représentants de l'UOIF ont dialogué avec les membres de la commission des relations avec l'islam du CRIF, en présence du président, Roger Cukierman. C'est principalement Fouad Alaoui qui a parlé. Il s'est placé sur un plan religieux pour dénoncer l'antisémitisme : "Toucher à un juif, c'est contraire aux principes de l'islam." Il a insisté sur le fait qu'il était "hors de question d'importer un conflit étranger sur le territoire français". Des applaudissements ont salué son discours. Le journaliste Jean-Pierre Elkabbach était présent dans la salle, comme "témoin muet". C'est lui qui était à l'origine de la rencontre, ayant lancé cette proposition lors d'un débat sur Europe 1, le 13 juin.

"DÉBAT FRANC ET SEREIN"

Richard Prasquier, président du Comité français pour Yad Vashem, s'est inquiété d'un "climat détestable dans les écoles, où il n'est plus possible d'enseigner la Shoah". Certains ont reproché à l'UOIF de ne pas condamner suffisamment les actes antisémites. M. Alaoui a répondu qu'il l'avait fait à plusieurs reprises, mais qu'il jugeait nécessaire de savoir au préalable si l'on avait affaire à un acte antisémite ou "de délinquance". Le souhait général était de "faire quelque chose ensemble", même si aucune date n'a été fixée pour une nouvelle rencontre. Cependant, les représentants du CRIF n'excluaient pas de se rendre, à leur tour, au siège de l'UOIF.

Les deux parties n'ont finalement pas signé de communiqué commun, l'UOIF ne l'ayant pas voulu. Chacun s'est contenté d'une déclaration à la sortie. "Le débat a été franc et serein, a commenté Fouad Alaoui. L'UOIF a affirmé que les deux communautés devaient participer à un effort en faveur de la paix sociale. Notre condamnation de l'antisémitisme est totale. De même que nous sommes inquiets de la montée du racisme et de l'islamophobie. Nous souhaitons qu'on ne qualifie pas chaque acte antisémite comme d'origine musulmane."

Le président de la commission des relations avec l'islam du CRIF, Bernard Kanovitch, a déclaré : "Un dialogue est ébauché. Nous avons exprimé les inquiétudes de la communauté juive face à la montée des violences et de l'intolérance. Nous avons demandé à l'UOIF de veiller à l'enseignement des imams dans les mosquées. Cela demandera une surveillance de notre part. Mais l'UOIF a fait preuve de maturité."

Les participants ne cachaient pas leur satisfaction prudente. Le président de l'Union des étudiants juifs de France (UEJF), Yonathan Arfi, parlait d'un dialogue "nécessaire" : "Cela fait quelque temps qu'on est sorti du fantasme autour des "gens de l'UOIF"." En même temps, il se montrait sceptique sur les suites : "Le CRIF est un organe politique, qui se trouve face à une entité religieuse. D'où une part d'incompréhension, par exemple sur la nature du sionisme, qui est un mouvement national."

L'ancien président du B'nai B'rith, Yves Kamami, estimait que "la réunion pouvait avoir des effets positifs. En tout cas, M. Alaoui a prononcé des mots forts, affirmant sa volonté de paix civile et de ne pas importer le conflit israélo-palestinien." Puis il livrait, peut-être, la clé du succès de la rencontre : "Le but était d'éviter de parler de ce conflit. Il fallait discuter de ce qui nous rapproche et pas de ce qui nous divise."

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